XAVIER FÀBREGAS (1931-1985)
dimanche, 11 mars 2007
DE LA BEAUTÉ D’UNE COURBE ELLIPTIQUE
par Maryse Badiou
Historien du théâtre, critique dramatique, essayiste, anthropologue, directeur de la Bibliothèque et du Musée de l’Institut du Théâtre de Barcelone, responsable du Centre de Documentation et de diffusion de ce même organisme, Xavier Fàbregas (Montcada i Reixach 1931 - Palerme 1985) fut un homme de vaste culture, qualifié bien souvent d’homme de la Renaissance pour son érudition et sa sensibilité toute particulière d’être avec son temps. Intellectuel engagé dans l’Espagne franquiste et postfranquiste, il a été à bien des égards, et jusqu’à sa mort, un homme-orchestre dans la Catalogne espagnole.
Maryse Badiou, son épouse et collaboratrice, évoque pour nous cette noble figure d'un humanisme intégral et contrelittéraire.
Esprit cosmopolite, polyglotte, reconnu internationalement (1) ainsi que dans son pays (2), Xavier Fàbregas a laissé une œuvre importante d’une grande richesse conceptuelle (3.000 articles environ, une collection de carnets rassemblant un total de 6117 pages, plus de 50 livres, des adaptations, des éditions, des prologues…, auxquels il convient d’ajouter 6871 fiches d’archives complétées par une centaine de dossiers).
L’œuvre de Fàbregas est rebelle à toute systématisation. Pluridisciplinaire, entre le respect de la théorie et les plus audacieuses intuitions, son raisonnement à la fois déductif et inductif déborde rapidement ceux qui essaient de l’inscrire dans des paramètres préconçus. Dans la dernière période de sa vie, cependant, l’auteur avait sur son travail une perspective suffisante pour écrire : « Notre itinéraire n’est pas en ligne droite mais en ellipse ».
Xavier Fàbregas se décrit lui-même tel un promeneur qui observe et explore la réalité, de près, de loin et selon différents points de vue. À l’instar du biologiste dans le laboratoire de la vie, il élabore une pensée issue de la recherche et de l’expérimentation.
Chercheur par vocation, la démarche de Xavier Fàbregas s’inscrit dans une méthodologie à travers laquelle nous pouvons distinguer trois étapes. La première prend racine dans une analyse sociopolitique du théâtre, la seconde interroge l’analyse structuraliste et sémiologique, la troisième trouve son orientation dans l’anthropologie culturelle que certains théoriciens considèrent aujourd’hui encore en processus d’élaboration.
Méfiant à l’égard des cloisonnements, des frontières entre les genres dramatiques, il s’intéresse aussi bien aux formes d’expressions artistiques cultes comme aux traditions populaires considérées le plus souvent comme art minoritaire. Parmi ces dernières, il découvre de manière moins frelatée les mécanismes de la pensée humaine grâce précisément à leur marginalisation séculaire. Le phénomène théâtral pris au sens large de spectacle, de communication, de rituel en tant qu’action du mythe, devient la matière essentielle de son étude : parathéâtre, cérémonies religieuses, fêtes saisonnières, patronales, issus du vieux fond néolithique, ont fait l’objet d’une analyse passionnée.
Focalisant sa recherche à la frontière des genres, là où le syncrétisme s’exprime sans retenu, dans ces espaces indéfinies où l’instable prend une entité signifiante, Xavier Fàbregas a créé une œuvre en forme de courbe elliptique : un itinéraire qui pourrait être qualifié d’initiatique et dont la dimension reste à découvrir.
Notes :
(1) « Au XX° siècle, Xavier Fàbregas me paraît être l’un des hommes de théâtre mais aussi l’un des écrivains, l’un des critiques les plus importants, non seulement pour son pays, mais pour la France, pour l’Europe et le monde. » Marie-Claire Zimmermann (Professeur à l’Université de Paris IV-Sorbonne, Directrice du Centre d’Études Catalanes, Paris), dans une lettre personnelle adressée, en 1999, aux autorités universitaires et politiques catalanes.
(1) « Au XX° siècle, Xavier Fàbregas me paraît être l’un des hommes de théâtre mais aussi l’un des écrivains, l’un des critiques les plus importants, non seulement pour son pays, mais pour la France, pour l’Europe et le monde. » Marie-Claire Zimmermann (Professeur à l’Université de Paris IV-Sorbonne, Directrice du Centre d’Études Catalanes, Paris), dans une lettre personnelle adressée, en 1999, aux autorités universitaires et politiques catalanes.
(2) «Dans la perspective de la théorie de la communication, il me paraît que l’œuvre de Xavier Fàbregas (…) dans les années qui entourent sa mort, était une des plus consistantes que l’on pouvait trouver non seulement dans la sphère de sa propre culture mais du monde. » Sebastia Serrano (Professeur et sémiologue à l’Universté de Barcelone), dans Sémiologie du jeu et de l’esprit, Publications de l’Abadia de Montserrat, Barcelone, 1990, pg. 155.
Consultez le site dédié à l'oeuvre de Xavier Fàbregas
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