L'exil contrelittéraire
dimanche, 06 janvier 2008
par Alain Santacreu
Le paraître de l’avoir marchand absorbe l’être de la vie. Dans la froideur centrifuge du trou noir littéraire, les hommes se confondent dans l’amalgame des objets interchangeables. Seul l’Amour provoque l’exil contrelittéraire, le retour vers la source du logos. L’axe vertical de la Croix fixe le lieu qui nous extrait de la fiction spectaculaire. Les hommes sidérés passent sans la voir, ils errent dans l’espace des choses. Mais, lorsque deux êtres se rencontrent, c’est là, au pied de la Croix, que l’espace devient lieu et que resurgit la profondeur de l’être.
La mort du Père, c’est l’effacement de la conscience de l’exil. La négation de l’exil est une réduction à l’immanence existentielle. Au contraire de ce que l’on croit, cette immanence, loin d’être réelle, est fictionnelle ; loin de nous donner une emprise plus grande sur la réalité, elle nous enlise dans la fiction. Sortir de la fiction, c’est donc entrer en exil. Entrer en exil, c’est entrer en contrelittérature. La modernité est le refus de l’exil. C’est pour cela que, dans l’Apocalypse, la Femme couronnée, la restauratrice du principe royal, la Femme de la Révélation, s’exile et va enfanter dans le désert.
La littérature est la Grande Prostituée, l’usurpatrice de mots, l’infrastructure masquée de l’économie marchande. Dans l’ultime combat, entre la Femme couronnée et la Grande Prostituée, chacun doit choisir son camp.
Selon la tradition juive, la création a été précédée d'une contraction volontaire de l’Incréé. Dieu se serait en quelque sorte exilé de lui-même afin de laisser une place pour le monde et enfanter sa propre création. Ce « Cercle tracé sur l’Abîme du Rien » (Pr 8, 27), c’est le ventre de l’Immaculée Conception. On retrouve le même paradigme de la voie créatrice dans toutes les traditions religieuses et les arts sacrés.
C’est ici que l’on mesure la différence de nature entre l’évolution et la création. Pour qu’il y ait création, l’acte de l’exil à soi-même est indispensable. L’évolution, au contraire, n’admet pas le sacrifice. C’est pourquoi, contrairement à ce que prétend l’inversion teilhardienne, le Cœur du Christ n’est pas le Centre vers lequel l'univers converge mais ce point d’où s’amorce la rétraction de Dieu et l’expansion de l’univers. Au sein de l’évolution, il n’est donné qu’à l’homme de choisir la création en se déplaçant vers ce Centre.
L’exil est le lieu de la sortie de Dieu, de son « retournement » vers Celle qui nous donne Vie : la Manifestation est le modèle primordial du regresso in utero. La terre de l’exil n’est pas évanescente ni lascive mais charnelle et spirituelle. Elle est le bon sol où le grain doit mourir. Si le grain – le moi – meurt dans une terre rapportée, une représentation qu’il s’est faite ou qu’on lui a inculquée, il meurt dans le mensonge : mourir en vérité, c’est mourir sur la terre vierge.
Au point où nous en sommes aujourd’hui, la Vierge Marie est exilée de son Église par les docteurs évolués qui ne veulent pas voir au-delà de ce monde, eux qui, depuis le belvédère de leur égoïsme, regardent le monde s’éteindre par indistinction. La trahison des clercs se découvre dans la tentation des gnoses ésotérique ou mondaine. On préfère l’ésotérisme du Dragon à la mystique de la Femme, de même que l’on sacralise l’imposture de l’art contemporain (1). Il faut lire de toute urgence le livre fondamental d’Aude de Kerros, L’Art caché, qui montre l’allégeance servile d’un certain haut clergé français devant la culture homomorphe de l’indistinct. Ainsi, des ecclésiastiques zélés (2) ont proclamé leur conversion au nominaliste post-moderne, leur croyance enthousiaste en l’horizontalité multiculturelle et leur ferveur envers ce nihilisme « conceptuel » qui, selon Aude de Kerros, n’est qu’ « une gnose, une substitution mystique, un corps symétrique et inverse du corps glorieux » (3).
Pour les dissidents de la contrelittérature, le rôle de l’art sera toujours la divulgation de l’in-formation créatrice donnée aux hommes par l’Esprit saint. En ces temps qui sont les nôtres, cette in-formation nous est transmise par la Femme de l’Apocalypse, drapée du Soleil et couronnée d’étoiles. Elle est la personne testimoniale du dit de la Passion, l’auditrice unique du récit oral du Père au Fils : l’unique demeure des exilés où retentit aujourd’hui la Parole.
La mort du Père, c’est l’effacement de la conscience de l’exil. La négation de l’exil est une réduction à l’immanence existentielle. Au contraire de ce que l’on croit, cette immanence, loin d’être réelle, est fictionnelle ; loin de nous donner une emprise plus grande sur la réalité, elle nous enlise dans la fiction. Sortir de la fiction, c’est donc entrer en exil. Entrer en exil, c’est entrer en contrelittérature. La modernité est le refus de l’exil. C’est pour cela que, dans l’Apocalypse, la Femme couronnée, la restauratrice du principe royal, la Femme de la Révélation, s’exile et va enfanter dans le désert.
La littérature est la Grande Prostituée, l’usurpatrice de mots, l’infrastructure masquée de l’économie marchande. Dans l’ultime combat, entre la Femme couronnée et la Grande Prostituée, chacun doit choisir son camp.
Selon la tradition juive, la création a été précédée d'une contraction volontaire de l’Incréé. Dieu se serait en quelque sorte exilé de lui-même afin de laisser une place pour le monde et enfanter sa propre création. Ce « Cercle tracé sur l’Abîme du Rien » (Pr 8, 27), c’est le ventre de l’Immaculée Conception. On retrouve le même paradigme de la voie créatrice dans toutes les traditions religieuses et les arts sacrés.
C’est ici que l’on mesure la différence de nature entre l’évolution et la création. Pour qu’il y ait création, l’acte de l’exil à soi-même est indispensable. L’évolution, au contraire, n’admet pas le sacrifice. C’est pourquoi, contrairement à ce que prétend l’inversion teilhardienne, le Cœur du Christ n’est pas le Centre vers lequel l'univers converge mais ce point d’où s’amorce la rétraction de Dieu et l’expansion de l’univers. Au sein de l’évolution, il n’est donné qu’à l’homme de choisir la création en se déplaçant vers ce Centre.
L’exil est le lieu de la sortie de Dieu, de son « retournement » vers Celle qui nous donne Vie : la Manifestation est le modèle primordial du regresso in utero. La terre de l’exil n’est pas évanescente ni lascive mais charnelle et spirituelle. Elle est le bon sol où le grain doit mourir. Si le grain – le moi – meurt dans une terre rapportée, une représentation qu’il s’est faite ou qu’on lui a inculquée, il meurt dans le mensonge : mourir en vérité, c’est mourir sur la terre vierge.
Au point où nous en sommes aujourd’hui, la Vierge Marie est exilée de son Église par les docteurs évolués qui ne veulent pas voir au-delà de ce monde, eux qui, depuis le belvédère de leur égoïsme, regardent le monde s’éteindre par indistinction. La trahison des clercs se découvre dans la tentation des gnoses ésotérique ou mondaine. On préfère l’ésotérisme du Dragon à la mystique de la Femme, de même que l’on sacralise l’imposture de l’art contemporain (1). Il faut lire de toute urgence le livre fondamental d’Aude de Kerros, L’Art caché, qui montre l’allégeance servile d’un certain haut clergé français devant la culture homomorphe de l’indistinct. Ainsi, des ecclésiastiques zélés (2) ont proclamé leur conversion au nominaliste post-moderne, leur croyance enthousiaste en l’horizontalité multiculturelle et leur ferveur envers ce nihilisme « conceptuel » qui, selon Aude de Kerros, n’est qu’ « une gnose, une substitution mystique, un corps symétrique et inverse du corps glorieux » (3).
Pour les dissidents de la contrelittérature, le rôle de l’art sera toujours la divulgation de l’in-formation créatrice donnée aux hommes par l’Esprit saint. En ces temps qui sont les nôtres, cette in-formation nous est transmise par la Femme de l’Apocalypse, drapée du Soleil et couronnée d’étoiles. Elle est la personne testimoniale du dit de la Passion, l’auditrice unique du récit oral du Père au Fils : l’unique demeure des exilés où retentit aujourd’hui la Parole.
( Avant-dire du numéro 20 de Contrelittérature. )
Notes :
(1) Au sens ou l'entend Christine Sourgins dans Les Mirages de l'art contemporain, La Table Ronde, 2005.
(2) Mgr Rouet, Mgr Louis, père Robert Pousseur, Gikbert Brownstone, L'Église et l'Art d'avant-garde - De la provocation au dialogue, Albin Micjel, 2002.
(3) Aude de Kerros, L'Art caché, Eyrolles, 2007, p. 79.
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