La poésie de Florentin Benoit d’Entrevaux
jeudi, 13 octobre 2011
La poésie de Florentin Benoit d’Entrevaux est simple et profonde. L’auteur est ermite en Ardèche, dans la région du Bas-Vivarais. De ses poèmes, il dit, dans un sourire, qu’ils sont « Naïfs peut-être/innocents/faciles mais pas méchants ». Et c’est vrai que le rythme des comptines s’entend dans ses vers dont la naïveté est pure nativité, douce musicalité de cet « enfant-voix » dont parle le poète : « et voici que j’entends/l’enfant-voix :/Je viens vers toi/Je me souviens ».
Mais autant la simplicité de cette poésie est profonde, autant violente sa douceur ; car « le voyage est violence », voyage « intégral » de la transfiguration, de la transmutation de l’ Homme métallique : « Homme plomb,/nu, je nageais lourd,/je coulais à pic,/Homme tout bu ». Écriture initiatique, christogénèse de l’Homme nouveau : « À la mesure de mes pas/lourds sur le sol/ tu me vois m’alléger/de mon vieil homme/ruiner/mon homme ancien ». Pourquoi écrire, sinon pour se fondre dans le nom, l’épeler jusqu’en son silence et se faire à son image : « Pauvre poète/tu es poète/pour le prétexte/d’écrire un nom/le nom de Jésus ».
L’écriture poétique reflète ce mouvement de l’âme qu’évoque le titre même du recueil : Vers l’Autre. Cet « Autre » est un « Tu », à la fois infiniment prochain et infiniment lointain, « un au loin intime » qui aimante le désir du « Je » énonciatif. L’Autre est le chemin : « Tu as tracé pour nous/une voie nouvelle/Chemin-pont/la voie c’est toi » ; mais il est aussi le cheminant, le pèlerin : « Rappelle-toi, frère/lorsque tu seras seul sur la route : à ton pas/le monde est suspendu ». L’Autre est l’hôte, celui qui reçoit et celui qui est reçu ; car l’écriture est impossible sans la prière : « Je m’installe sur mes genoux/face au tabernacle de ta présence./Pour le partager, j’entre doucement/dans le silence qui m’accueille. » L’Autre est la relation qui procède de la source, de la « mémoire de la source ». La source d’eau et de sang de la Passion dont la surrection provient du « consentement », du « Oui confiant », de l’Amen : « Dans le dernier souffle/je veux être/porteur de oui ».
Dans son désir de Dieu, le poète emprunte le chemin des larmes car « nos larmes nous missionnent » et elles nous orientent : « Je pleure dans ta direction/car je me souviens de toi ». Le don des larmes est visionnaire et se conjugue avec le don de l’écriture poétique : « Recevoir de toi/le don du chant/pour ta louange/et pour te voir/le don des larmes ».
Le recueil est composé de poèmes écrits durant la période 2005-2010. Mais la présentation proposée inverse l’ordre chronologique : les poèmes les plus récents ouvrent le livre et, au fil de la lecture, nous remontons jusqu’aux plus anciens. Toutefois deux poèmes inédits, écrits en 2010, clôturent l’ensemble en lui conférant ainsi une structure circulaire, analogique avec le circulus divin du « nom du Souffle ». Le mouvement d’aller « Vers l’Autre » est donc une rétroaction qui, induite par la perspective inversée des poèmes, amène l’auteur à revenir sur ses pas – retro redire –, mouvement de descente en soi-même, kénose qui provoque une avancée, une ascension vers l’Espérance : « Chemin faisant/chemin vivant/l’espérance entraîne/un humain ce matin/à vivre sur terre/au pas d’en haut/au nom du Souffle ».
La connivence entre un poète et son lecteur se fonde sur la confiance : « Confiance/quelqu’un vient déjà/garder la flamme ». Il faut lire avec confiance la poésie de Florentin Benoit d’Entrevaux, en le suivant, pas à pas, jusqu’au terme de son itinéraire : « Jusqu’à l’embrasement de la rencontre,/jusqu’à la ressemblance,/À mesure qu’il est libre,/Le voyage vers l’Autre est violent ».
Alain Santacreu
Avec ses amis poètes, Gaël de Bouteiller et Gaëtan Magneval, l'auteur a fondé, il y a douze ans, POESIEDirecte, revue où l'on rencontre une nouvelle génération de poètes chrétiens qui tente de s'extraire de l'impasse "littéraire" pour retrouver le véritable tropos de la poésie perdue, une disposition religieuse de l'âme, une voie d'authentique spiritualité.
Vers l'Autre, 96 pages, 17 €, port compris.
POESIEDirecte : Abonnement (3 n°) : 35 €.
Contacts :
"Le petit couvent", 07400 Saint-Martin sur Lavezon.
Tél. Point de vente : 0475529862
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