Le Soleil de Gaza
vendredi, 16 février 2024
Une honte éternelle…
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Ali Benziane
« Je mettrai sur vous un opprobre éternel
Et une honte éternelle
Qui ne s’oublieront pas. »
(Jérémie 23:40)
Cette nuit, je n’arrive pas à trouver le sommeil.
Une voix apocalyptique me hante. Il faut voir et surtout écouter le philosophe Yeshayahou Leibowitz réciter ce verset du livre de Jérémie, répétant chaque mot avec sa voix de patriarche, tremblante mais puissante, aussi puissante que son regard inquisiteur destiné aux faux-prophètes menant le peuple juif à sa perte.
Une honte éternelle…
Kippa noire sur la tête, lunettes vissées sur le nez, assis devant une bibliothèque inondée de livres, il parle l’hébreu des prophètes. Il ne choisit pas ses mots, il les lance comme des flèches empoisonnées à la face des imposteurs.
Une honte éternelle…
Juste parmi les justes, Maïmonide de l’apocalypse, un chimiste-philosophe ne peut être qu’alchimiste, atteignant les cœurs avant les corps, ceux qui ont des oreilles n’entendront rien mais ceux pourvus d’un cœur s’abreuveront de la source de vérité et ne connaîtront plus jamais la soif.
Que ceux qui ont un cœur entendent !
Ce n’est pas Leibowitz qui s’exprime mais le prophète Jérémie qui parle par sa bouche. La sainte colère de Leibowitz révèle la réalité implacable, la vérité impitoyable : l’usage de la torture autorisée par les pharisiens des temps modernes et cette prisonnière palestinienne qui a mis au monde son enfant en prison, les menottes aux mains.
La vie enchaînée, l’humanité bafouée : cela suffit.
Judéo-nazi ! lance la voix ferme de Leibowitz, les yeux noirs d’une colère divine. Le monde tremble, les cœurs vacillent.
Judéo-nazi !
Je pourrais retranscrire un à un les quarante versets du chapitre 23 du livre de Jérémie, les commenter, les répéter encore et encore.
Voilà pourquoi j’en veux aux prophètes
qui se volent mutuellement mes paroles, déclare l’Éternel.
J’en veux aux prophètes
qui remuent leur langue pour imiter une déclaration solennelle de ma part, déclare l’Éternel.
J’en veux à ceux qui prophétisent à partir de rêves pleins de fausseté, déclare l’Éternel.
Ils les répètent et ils égarent mon peuple
par leurs mensonges et par leur vantardise.
Moi, je ne les ai pas envoyés et je ne leur ai pas donné d’ordre.
Ils ne sont vraiment d’aucune utilité à ce peuple, déclare l’Éternel.
Je pourrais continuer dans le sillage de Leibowitz et évoquer les 28 000 morts du génocide en cours, les 11 000 orphelins et les familles décimées, les bébés nés sous les bombes, les cris déchirants d’enfants amputés, je raconterais l’histoire de chaque hôpital bombardé, de chaque école réduite en poussière… Je parlerais aussi du président criminel de l’entité sioniste écrivant des messages de haine sur un missile qui ira s'écraser sur un hôpital de Khan Younes. La moindre parcelle de gravats qui éclipse le soleil de Gaza, le moindre atome de poussière de ces écoles détruites forme le nuage de la honte éternelle qui s’est abattu sur l’État d’Israël.
Je pourrais raconter ce soldat qui offre la destruction d’un immeuble de Gaza comme cadeau d'anniversaire à sa petite fille, avant de mourir pour le drapeau d’Israël.
Une honte éternelle…
Je pourrais retranscrire les paroles blessées de la petite Hind, six ans, décrire sa voix terrifiée au milieu des coups de feu, pendant qu’elle observe de ses yeux tremblants les membres de sa famille exécutés un à un sous les balles de l’armée la plus morale du monde, ses yeux d’enfant qui ne devrait voir que beauté et innocence et dont la lumière a été étouffée par la barbarie à visage humain.
Hind a été retrouvée morte, et l’ambulance dépêchée sur place pour tenter de la sauver, pulvérisée.
Une honte éternelle…
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