"Péguy de combat" de Rémi Soulié (lundi, 12 mai 2008)
Les provinciales / Cerf, 2007, 111 pages, 12 €
On a tendance à privilégier l’aspect poétique de l’œuvre de Péguy au détriment de sa dimension combative. Péguy fut pleinement un « contemplacteur », néologisme qui nous vient naturellement à l’esprit pour désigner la singularité de son génie ad intra et ad extra.
Paru récemment aux éditions les provinciales, admirablement dirigées par Olivier Véron, le dernier livre de Rémi Soulié retrouve cette vérité de Charles Péguy. L’ouvrage se présente comme une simple paraphrase ininterrompue d’écrits péguiens, une série incessante de citations liées entre elles par de courtes phrases de transition. Cette forme retrouve superbement cette relation si essentielle du « lisant et du lu » dont Péguy a parlé dans Clio : « la lecture est l’acte commun, l’opération commune du lisant et du lu, de l’œuvre et du lecteur, de l’auteur et du lecteur ».
C’est à cette opération de lecture que nous convie Rémi Soulié ; son livre tente de saisir Péguy dans l’unité de son être, tel qu’il se déploie dans sa vie et ses œuvres, à partir d’une perspective qui nous permet d’embrasser du regard cette unité. À travers le dialogue qu’il instaure, Rémy Soulié nous dévoile l’axe qui structure la pensée de Péguy, ce foisonnement interne et singulier qui chemine au gré des associations d’idées, des images et des thèmes. C’est axe, c’est la Croix en son royaume de France. Hélas, cette seule race élue des temps modernes, la française, s’est oubliée, s’est dissolue. Il lui faut retourner à la source de son âme, opérer un retour sur elle-même : un mouvement analogue de la techouva juive. Mais il n’y a pas de retour sans la Grâce.
Sur la question juive, il ne serait pas honnête de vouloir séparer Péguy de Bernard Lazare. Les sympathies sionistes de Péguy s'orientèrent exclusivement vers l'humanisme juif de son ami. Pour Bernard Lazare, la Vérité et la Justice avaient un caractère absolu. S’il fonda, en 1899, le premier périodique sioniste-socialiste, Le Flambeau, jamais il ne transigea avec les exigences politiques et les intérêts nationaux, ce qui l’amena à s’opposer au caractère bourgeois et étatique du mouvement sioniste : « Je ne suis pas de ce gouvernement, écrivait-il à Herzl en 1899, il n’est pas celui que rêvaient jadis les prophètes ou les humbles gens qui écrivaient les psaumes. Mais si je me sépare de vous, je ne me sépare pas du peuple juif, de mon peuple de prolétaires et de gueux, et c’est à sa libération que je continuerai à travailler quoique par des voies qui ne sont pas les vôtres ». Et Bernard Lazare quitta le sionisme définitivement.
En référence à ces propos, et contrairement à Rémi Soulié, pour lequel cela ne saurait être « décisif », la distinction établie par Péguy entre la bourgeoisie juive et le prolétariat juif est, selon nous, fondamentale dans sa pensée. D’ailleurs Rémi Soulié le relève fort à propos « Péguy refuse en effet de confondre " l’esprit démocratique " avec " l’âme populaire " » ; or, c’est bien la même distinction que celle entre la bourgeoisie démocrate et le prolétariat populaire !
Enfin, il y aurait fort à dire sur la préface de Michaël Bar-Zvi. Nous lui reprocherons d’opérer, pour son propre compte, un détournement des idées de Péguy et d’imposer ainsi une lecture a priori du livre de Rémi Soulié. On pourra donc, au choix, passer outre – comme l’on fait avec les préfaces – ou la lire à la fin, ne serait-ce que pour en mesurer le contresens. En procédant de cette dernière manière, on s’apercevra combien le sionisme de Péguy était fort éloigné de celui de Jabotinsky – maître à penser de Bar-Zvi – et tellement plus proche de celui de Bernard Lazare, ce que montre fort éloquemment la lecture mise en œuvre par Rémi Soulié.
Paru récemment aux éditions les provinciales, admirablement dirigées par Olivier Véron, le dernier livre de Rémi Soulié retrouve cette vérité de Charles Péguy. L’ouvrage se présente comme une simple paraphrase ininterrompue d’écrits péguiens, une série incessante de citations liées entre elles par de courtes phrases de transition. Cette forme retrouve superbement cette relation si essentielle du « lisant et du lu » dont Péguy a parlé dans Clio : « la lecture est l’acte commun, l’opération commune du lisant et du lu, de l’œuvre et du lecteur, de l’auteur et du lecteur ».
C’est à cette opération de lecture que nous convie Rémi Soulié ; son livre tente de saisir Péguy dans l’unité de son être, tel qu’il se déploie dans sa vie et ses œuvres, à partir d’une perspective qui nous permet d’embrasser du regard cette unité. À travers le dialogue qu’il instaure, Rémy Soulié nous dévoile l’axe qui structure la pensée de Péguy, ce foisonnement interne et singulier qui chemine au gré des associations d’idées, des images et des thèmes. C’est axe, c’est la Croix en son royaume de France. Hélas, cette seule race élue des temps modernes, la française, s’est oubliée, s’est dissolue. Il lui faut retourner à la source de son âme, opérer un retour sur elle-même : un mouvement analogue de la techouva juive. Mais il n’y a pas de retour sans la Grâce.
Sur la question juive, il ne serait pas honnête de vouloir séparer Péguy de Bernard Lazare. Les sympathies sionistes de Péguy s'orientèrent exclusivement vers l'humanisme juif de son ami. Pour Bernard Lazare, la Vérité et la Justice avaient un caractère absolu. S’il fonda, en 1899, le premier périodique sioniste-socialiste, Le Flambeau, jamais il ne transigea avec les exigences politiques et les intérêts nationaux, ce qui l’amena à s’opposer au caractère bourgeois et étatique du mouvement sioniste : « Je ne suis pas de ce gouvernement, écrivait-il à Herzl en 1899, il n’est pas celui que rêvaient jadis les prophètes ou les humbles gens qui écrivaient les psaumes. Mais si je me sépare de vous, je ne me sépare pas du peuple juif, de mon peuple de prolétaires et de gueux, et c’est à sa libération que je continuerai à travailler quoique par des voies qui ne sont pas les vôtres ». Et Bernard Lazare quitta le sionisme définitivement.
En référence à ces propos, et contrairement à Rémi Soulié, pour lequel cela ne saurait être « décisif », la distinction établie par Péguy entre la bourgeoisie juive et le prolétariat juif est, selon nous, fondamentale dans sa pensée. D’ailleurs Rémi Soulié le relève fort à propos « Péguy refuse en effet de confondre " l’esprit démocratique " avec " l’âme populaire " » ; or, c’est bien la même distinction que celle entre la bourgeoisie démocrate et le prolétariat populaire !
Enfin, il y aurait fort à dire sur la préface de Michaël Bar-Zvi. Nous lui reprocherons d’opérer, pour son propre compte, un détournement des idées de Péguy et d’imposer ainsi une lecture a priori du livre de Rémi Soulié. On pourra donc, au choix, passer outre – comme l’on fait avec les préfaces – ou la lire à la fin, ne serait-ce que pour en mesurer le contresens. En procédant de cette dernière manière, on s’apercevra combien le sionisme de Péguy était fort éloigné de celui de Jabotinsky – maître à penser de Bar-Zvi – et tellement plus proche de celui de Bernard Lazare, ce que montre fort éloquemment la lecture mise en œuvre par Rémi Soulié.
Alain Santacreu