Sous les auspices de Robert Amadou (1924-2006) (jeudi, 07 juillet 2016)
Cet article est paru il y a 21 ans dans la revue L’Esprit des Choses. Robert Amadou était alors le directeur de cette publication. Ce fut la première étude sur Jules Bois [1]. En 1999, Robert Amadou salua la naissance du Manifeste contrelittéraire dont il souligna l’esprit traditionnel [2].
Charles Filiger (1863-1928), "Notations chromatiques"
Le théâtre d’ombres de Monsieur Jules Bois
par Alain Santacreu
Que reste-t-il de Jules Bois ? Son œuvre imposante, riche d’une trentaine d’ouvrages et d’une multitude d’articles journalistiques, semble avoir disparu de nos mémoires. De nos jours, seuls quelques originaux ont peut-être lu Le Monde invisible [3], et quelques inconditionnels huysmansiens parcouru Le Satanisme et la Magie [4], espérant surtout y trouver des clés nouvelles pour une meilleure compréhension de Là-bas [5]. Certains dilettantes émoustillés songent-ils encore à sa liaison tumultueuse avec la cantatrice Emma Calvé qui fit les délices des échotiers de la Belles Époque ? Personne aujourd’hui ne lit plus Jules Bois.
Pourtant, le prendre en filature est un moyen très judicieux d’atteindre les grands rôles. Il offre une des grilles de lecture les plus efficaces des milieux occultistes, si florissants dans ces salons parisiens, alors fréquentés par tant de personnalités du monde des arts, de la science et de la politique.
Il est né le 28 septembre 1868, à cinq heures du soir, à Marseille. À sa naissance, son père, Jacques Bois, originaire de l’ancien département des Basses-Alpes [6], est âgé de 48 ans et exerce la profession de « négociant ». Sa mère, Henriette Espina, a 40 ans. Elle est la fille de Don Espina, secrétaire particulier de Charles IV, roi d’Espagne.
Il nous faut relever cette ascendance maternelle ibérique car elle a dû favoriser son intégration dans les milieux occultistes gravitant autour de la duchesse de Pomar [7]. D’autre part, il est certain que les relations espagnoles que Jules Bois entretenait amenèrent Théophile Delcasse [8] à lui confier une mission en Espagne au début de la guerre de 14-18, mission dont le succès [9] décida peut-être de la tournure que prit la dernière partie de sa vie.
Selon Aurélien Marfée [10], Jules Bois est un « personnage bifide que le temps peu à peu clive ». Cependant, davantage que des clivages inexorables dus à l’écoulement du temps, ce sont des énergies antagonistes qui, à travers les différentes périodes de sa vie, semblent rythmer son destin et son œuvre ; tensions qui restent latentes, même si les pôles dominants se transforment, accentuant tour à tour leur part d’ombre ou de lumière. Dans ce théâtre d’ombres, toutes ces forces, conflictuelles ou complémentaires, donnent lieu à des rôles multiples à travers lesquels notre Fregoli se transforme. Nous n’envisagerons ici que quelques uns de ces rôles, ceux du romancier, du reporter de l’occultisme, du militant féministe, du psychologue scientifique et de l’homme d’action.
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À peine avait-il vingt ans lorsqu’il « monta » à Paris. C’est Catulle Mendès qui l’imposa. Il le prit à ses côtés comme secrétaire et lui ouvrit les portes des journaux parisiens. De son mentor, Jules Bois avait les mêmes capacités de polygraphe. Sans doute s’étaient-ils connus à travers la revue L’Étoile fondée par Albert Jounet [11].
Il se rapprocha du « Christianisme ésotérique » de Lady Caithness, adhérant aux idées monarchistes et naundorffistes [12] de celle qui, à travers la « Société théosophique d’Orient et d’Occident », représentait la véritable section ésotérique du mouvement fondé par Mme Blavatsky. C’est alors qu’il s’ouvrit aux thèses féministes et particulièrement aux idées exprimées par Anna Kingsford et Edward Maitland dans La Voie Parfaite [13].
En avril 1893 Jules Bois crée une revue, Le Cœur [14], en collaboration avec le comte Antoine de La Rochefoucauld dont la rupture avec le Sâr Péladan est encore toute récente. On n’a pas suffisamment souligné l’importance de cette revue dans le courant de l’ésotérisme chrétien de la fin du XIXe siècle. Elle fut une des premières à adopter une ligne ésotérisante et esthétisante, tentant d’élaborer une réflexion sur les fondements religieux de l’art et d’impulser un retour au sentiment artistique du sacré.
Le comte de Larmandie [15] ainsi qu’Émile Bernard [16] furent des collaborateurs réguliers de la revue. Avec le comte de La Rochefoucauld et Jules Bois, ils participèrent activement à la promotion des œuvres de peintres tels que Charles Filiger (1963-1928) [17], Paul Signac (1863-1935), mais aussi Odilon Redon et Paul Cézanne encore peu connus.
Il n’est peut-être pas insignifiant de remarquer que l’existence du Cœur se déroula parallèlement à l’épisode de « l’affaire Boulan » qui, d’une certaine façon, à partir du rôle qu’il y joua, rendit Jules Bois célèbre. La simultanéité de ces deux expériences révèle une des tensions antagonistes les plus décisives dans le destin de Jules Bois, celle qui se joue entre l’écrivain et le reporter de l’occultisme.
Le combat du « Carmel de Lyon » de l’abbé Boullan et de la « Rose-Croix » parisienne de Stanislas de Guaïta fut une guerre mystique idéale qui laissa sur le terrain, par-delà le grand-guignolesque de certains épisodes, d’authentiques cadavres. C’est là, dans ce lynchage fondateur, que se structura le mouvement occultiste moderne dont le rayonnement irait s’amplifiant jusqu’aux prémices de la Première Guerre mondiale. Cet épisode est maintenant suffisamment connu pour que nous n’y revenions pas. Nous voudrions simplement souligner que la surmédiatisation journalistique dont il bénéficia fut notamment orchestrée par les articles de Jules Bois au Gil Blas [18]. Bois réagit en journaliste, exploitant le filon du scandale, l’attisant. Sans lui, la mort de l’abbé Boullan n’aurait pas revêtu cette valeur symbolique : il fallait que Johannès [19] jouât le rôle de la victime émissaire pour que s’institutionnalisât l’Occultisme.
Jules Bois avait rencontré Huysmans en 1889, peu de temps après son arrivée à Paris. Une longue et fidèle amitié naquit alors, dont témoigne une correspondance soutenue [20]. Charles Buet [21], dans un article de la revue La Plume [22], a dit que le seul ami qu’il connût à Jules Bois était Huysmans : « Bizarre association que celle de cet épervier du Nord et de cette mésange du Midi. »
Bois demanda à Huysmans de l’introduire auprès de Boullan. Il méditait, dès 1892, ce livre qui paraîtra en 1895 sous le titre Le Satanisme et la Magie. Il rêvait d’écrire, sous une forme romanesque, un livre dans la veine huysmansienne ; mais le journaliste, en lui, s’imposa peu à peu à l’écrivain. C’est en reporter qu’il reçut les exposés de la théologie mystique de Boullan. Il cherchait de l’inédit, un scoop fracassant sur les rituels d’envoûtement et de désenvoûtement. Par la suite, ses différentes enquêtes dans les milieux occultistes donneront lieu à d’autres ouvrages, compilations d’articles de journaux, comme Les petites religions de Paris [23] et L’au-delà et les forces inconnues [24].
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Il est certain que la conversion de Jules Bois au catholicisme donna une impulsion nouvelle à sa vie et réorienta certaines de ses conceptions [25]. Cette conversion eut lieu juste avant son retour du fameux voyage en Égypte, via la Turquie et la Grèce, entrepris en compagnie d’Emma Calvé, du Swami Vivekananda, de Betty Mc Leod [26] et du père Hyacinthe Loyson [27]. Le périple, qui dura près de cinq mois, s’acheva à Alexandrie, au début de mars 1901 [28]. Si l’on considère, par exemple, une des thématiques essentielles de l’œuvre de Jules Bois, le cycle féministe, il est intéressant de confronter des ouvrages antérieurs et postérieurs à cette conversion.
Le militantisme féministe de Bois se reflète dans toute son œuvre. Les personnages féminins sont l’axe central de sa poésie lyrique et dramatique comme de ses romans. Les essais féministes culminent avec Le Couple futur [29], œuvre de la maturité qui rend sans doute le mieux compte des conceptions ultimes de Jules Bois.
Selon Bois, la femme moderne, L’Ève nouvelle [30] est une Femme inquiète [31], écartelée entre les pôles de L’Éternelle poupée [32], c’est-à-dire l’esclave adulée des temps anciens, et de l’Ève future, c’est-à-dire la femme libérée du monde à venir que Bois appelle « la Citoyenne » [33].
En 1896, L’Éve nouvelle reste dans la lignée de ce messianisme féminin qui traverse les courants ésotériques du XIXe siècle. C’est la période pré-chrétienne du féminisme de Jules Bois. La religiosité de l’Éve nouvelle est celle de l’occultisme hérétique et syncrétiste [34]. La figure isiaque y est prédominante. L’hébraïsme, prototype des religions patriarcales, y est rejeté au nom du féminisme [35]. C’est un féminisme absolu, mystique et revendicatif, à l’évidente sensibilité anglo-saxonne.
Les idées réformistes de ce premier essai féministe se retrouvent dans Le Couple futur, paru en 1912. Cependant le féminisme s’y affirme ouvertement « traditionnel et chrétien » ; il est conçu comme réalisation du Christianisme authentique. La civilisation du Couple est l’image sociale de l’androgynat réalisé, le rééquilibrage des structures patriarcales et matriarcales des civilisations passées. Nos sociétés latines ne peuvent être régénérées que par l’accession de la femme à la pleine citoyenneté. Toutefois, Jules Bois, qui a lu Baschoffen [36], s’oppose à une forme de gynécocratie du féminisme dans laquelle il voit une rétrocession des forces sociales vers le stade précédent du patriarcat : l’amazonisme [37].
Le militantisme féministe de Jules Bois repose sur la conviction de la « malléabilité du monde » [38]. Il croit à la possibilité d’un progrès psychologique de l’humanité vers une Humanité divine [39] ; et son féminisme est la dimension éthique de cette croyance. Parallèlement, la Métapsychique apportera une dimension scientifique à cet idéal en ouvrant la voie à une interprétation rationnelle du Miracle moderne [40].
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Dans le théâtre d’ombres de Jules Bois, Le Monde invisible inaugure ce rôle nouveau du psychologue scientifique – qui est à la fois une remise en question du journaliste de l’occultisme et un complément au militant féministe. C’est une dimension essentielle de notre personnage, que l’on n’a pas suffisamment soulignée, et qui pourtant se révèle indispensable pour la compréhension ultérieure de l’ homme d’action.
Le Monde invisible est un ouvrage de transition. Jules Bois s’y livre à une vive critique du spiritisme, de l’occultisme et du théosophisme auxquels il reproche leurs fausses méthodes d’approche du phénomène psychique. Par contre, il se revendique d’un occultisme dans la lignée de la Naturphilosophie allemande. Cet occultisme, fondé sur l’intuition et la perception poétique par analogie, est une véritable théorie idéaliste de l’action, celle-là même que l’on retrouvera dix ans plus tard, à l’aube de la Grande Guerre, dans sa posface à l’ouvrage de Noël Vesper [41]. Dès 1903, bien avant René Guénon, Jules Bois dénonça l’erreur spirite et la pseudo-religion théosophiste. Cependant, alors que l’auteur de La Crise du Monde moderne ne voulut voir dans le spiritualisme que l’expression ultime d’un « complot contre-initiatique », Bois souligna la nécessité historique de ce mouvement. Selon lui, la critique du spiritualisme avait ouvert la voie à l’analyse expérimentale des phénomènes psychiques et découvert une nouvelle approche scientifique du Miracle moderne : la Métapsychique.
Dans un dictionnaire des célébrités de la Belle Époque [42], Jules Bois se déclara « professeur de psychologie rétrospective à l’Institut psycho-physiologique ». Ce n’était pas une galéjade. Lorsqu’il reviendra en France, en 1927, après son « séjour » de douze ans aux États-Unis, il sera « accueilli chaleureusement par ses collègues scientifiques » [43], ce qui ne semble pas avoir été le cas des milieux littéraire et occultiste. Ce sont d’ailleurs des articles de psychologie qu’il fera paraître [44].
À ses yeux, la Métapsychique devait être une « psychologie de la surconscience ». En cela elle s’opposait à la psychanalyse qui s’était enlisée dans les profondeurs de l’inconscient freudien. C’est sur la Métapsychique que repose cette Philosophie de l’Espérance qui sera l’aboutissement inachevé de son œuvre [45].
Jules Bois participa avec assiduité aux travaux de la célèbre « Society for psychical research », association qui rassemblait les personnalités les plus illustres non seulement d’Angleterre et des États-Unis mais du monde entier [46].
Dans la lignée de son maître de l’École de Nancy Ambroise-Auguste Liébeault, Jules Bois prenait l’hypnose comme base thérapeutique. La fonction sociale de la Métapsychique devait déboucher sur une psychologie appliquée qui préparerait la voie à une humanité supérieure, cette Humanité divine qui fut le rêve utopique de sa vie. Ses conceptions étaient très proches de l’ « Orthopédie mentale » telle que la définissait Edgar Bérillon [47]. Cette psychothérapie utilisait la suggestion hypnotique dans le but d’ouvrir le malade au principe transcendantal d’une « surconscience » régénératrice. Elle reposait sur la conscience morale et avouait un projet non seulement curatif mais éducatif. Le testament spirituel de Jules Bois se découvre dans cette Philosophie de l’Espérance vers une civilisation qui ne serait plus fondée sur le moi inférieur mais sur ce qu’il appelait le « moi divin ».
Jules Bois (1868-1943)
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale bouleverse notre perception de la personnalité et de l’œuvre de Jules Bois. Il apparaît subitement au devant de la scène sous les traits de l’homme d’action. Sans doute le réseau relationnel que le journaliste avait établi, ainsi que les connaissances que le psychologue scientifique avait acquises, le prédisposaient-ils aux missions diplomatiques.
Curieusement son action diplomatique apparaît assez parallèle à celle d’Henri Bergson qui assuma lui aussi des missions en Espagne et en Amérique, durant la guerre de 14-18. Jules Bois est d’abord envoyé en Espagne. Quelques mois après, en février 1915, il est envoyé aux États-Unis par Charles Humbert, le directeur du Journal, pour « couvrir » la Foire de San Franscisco : il ne réapparaîtra en France que 12 ans plus tard. Que s’est-il passé ? A-t-il été mêlé, comme certains l’ont prétendu, à l’« Affaire Bolo » ?
Un « homme d’affaire », Paul-Marie Bolo, avait rendu des services au Khédife d’Égypte qui l’avait nommé « Pacha ». Bolo Pacha fut accusé d’avoir utilisé des fonds allemands pour acheter la presse française. L’argent qui avait permis à Humbert de racheter Le Journal provenait de Bolo. On sait que Bolo Pacha se rendit à New-York en mars 1916 et qu’il réalisa à la banque Morgan des transferts de fonds sur le compte de Charles Humbert. D’autre part, il versa 5000 dollars sur un compte ouvert au nom de Jules Bois [48]. Nous savons aujourd’hui, par les archives allemandes, que Bolo, depuis 1915, était payé par le Reich, et que les annonces du Journal étaient utilisées par le service d’espionnage. Les articles de ce quotidien, fort lu dans Paris, étaient systématiquement anti-anglais [49]. Bois fut-il directement impliqué dans cette affaire ? Eut-il peur d’être soupçonné et jugé ? Le fait est qu’il préféra rester aux États-Unis.
Sa disparition alimenta les sous-entendus. En effet, jusqu’aux lendemains de la Grande Guerre, les Naundorffistes furent accusés de collaborationnisme par la presse germanophobe : les allemands auraient été disposés à reconnaître les droits de la famille Naundorff au trône de France, à condition qu’elle y renonce ensuite en faveur du prince Eitel-Friedrich, second fils de l’empereur Guillaume.
En 1923, le journal Comoedia [50] retrouva la trace de Jules Bois. Avec une ironie non feinte, l’entrefilet disait qu’il habitait à New-York, qu’il était en bonne santé et s’occupait de cinéma, de littérature, de théâtre, de conférences, de psychisme [51] et que ses œuvres se vendaient fort bien aux États-Unis. Jules Bois attendit toutefois 1927 avant de réapparaître en France. Entre temps, il avait publié un ouvrage, écrit en américain, où il analysait les causes de la Première Guerre mondiale [52]. On y retrouvait beaucoup des intuitions aperçues, dix ans auparavant, dans sa posface au livre de Noël Vesper, notamment la critique de l’esprit bourgeois et du fonctionnarisme et la revendication d’un « Christianisme essentiel ».
Raymond Poincaré était maintenant revenu à la présidence du Conseil et Aristide Briand aux Affaires étrangères. Un article de mise au point intervint dans La Revue Mondiale [53]. On y faisait l’éloge de son patriotisme : Bois avait été un propagandiste zélé de la France, un missionnaire de l’Entente.
Le retour de Jules Bois ne fut pas définitif. Il s’en revint aux États-Unis. Jusqu’à sa mort, le 2 juillet 1943, à New-York, il ne nous reste que peu de traces de son activité qui, apparemment, demeurera essentiellement journalistique [54]. À la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, nous le retrouverons rédacteur en chef de la revue franco-amécaine Le Messager de New-York [55]. Quelles furent ses prises de position ? Quel crédit peut-on accorder à certaines allégations de « collaborationnisme » [56] ?
Aujourd’hui encore, de temps à autre, tel un diablotin de sa boîte, le personnage de Jules Bois ressurgit dans la dramaturgie fantastique de Rennes-le-Château. Sans doute était-il fatal que ce Rouletabille de l’occultisme fin de siècle alimentât les fantasmes des investigateurs du mystère audois. Cependant, une étude un peu attentive de son œuvre pourrait éviter bien des errements. Aussi s’agit-il, pour le chercheur sincère, d’extraire Jules Bois de ce scénario un peu méphitique où l’on tente stupidement de l’enliser.
C’est bien sûr vers la période américaine que les recherches futures devront s’orienter [57], si nous voulons découvrir le véritable rôle de Monsieur Jules Bois, celui du « manipulateur » qui, derrière l’écran opaque de son théâtre d’ombres, a choisi les différents rôles d’un destin qu’il nous reste encore à décrypter.
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[1] Une décennie plus tard, ce travail inspirera l’ouvrage de Dominique Dubois, Jules Bois (1868-1943) : le reporter de l'occultisme, le poète et le féministe de la belle époque, Arqa, 2006 .
[2] Cf. Robert Amadou, « De la sainte science », dans Occulture, n°6, automne 1999, pp. 5-12. On y lit notamment : « Le Manifeste contrelittéraire, qu’une littérature traditionnelle serait fondée à revendiquer, rapporte à la littérature des idées que la Tradition abombre ».
[3] Ed. E. Flammarion, Paris, 1902.
[4] Ed. L. Chailley, Paris, 1895.
[5] L’ouvrage de Huysmans parut en 1891, d’abord en feuilleton, février-mars, dans L’Écho de Paris, puis en volume, en avril de la même année (Ed. Tresse et Stock, Paris).
[6] Bois (Jacques, Antoine, Michel) est né le 5 juillet 1820 à Jausiers, dans l’ancien département des Basses-Alpes (aujourd’hui Alpes de Haute-Provence).
[7] Fille d’un commerçant espagnol, Maria de Mariategui naquit en 1832. La future Lady Caithness, était donc de la même génération que la mère de Jules Bois. Elle épousa le duc Manuel de Pomar en 1853 et, jusqu’à la mort de celui-ci, elle vécut à Madrid. Elle s’installa ensuite en Écosse où elle épousa, en secondes noces, le comte de Caithness. Elle vint en France, à la suite du décès de ce dernier, en 1881.
[8] Théophile Delcasse (1852-1953), alors ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Viviani.
[9] Il en revint « félicité par notre ambassadeur à Madrid, et rapportant l’adhésion à la France de l’intellectualité espagnole » (cf. « Un fidèle missionnaire de la France » in Revue Mondiale, du 1 juin1927.
[10] Une des « signatures », avec Jean-Paul Somorf, de la série d’articles parue dans la petite revue huysmansienne À Rebours, sous le titre « Une passe d’armes occultiste : le duel Bois-Guaïta », n°7, 8, 10 , 11 ; 14, 18, 24, Paris, 1979-83.
[11] Albert Jounet (1863-1923).
[12] Sur l’appartenance de Jules Bois à la cause naundorffiste, on citera sa préface à la parution, en 1904, de la Correspondance intime et inédite de Louis XVII avec sa famille (1834-1838).
[13] La Voie Parfaite parut sous le titre The Perfect Way ; d’abord à Londres, en 1882, sans nom d’auteur, puis en 1887, sous les noms d’Anna Kingsford et Edward Maitland.
[14] 10 numéros de cette revue paraîtront d’avril 1893 à juin 1895.
[15] Léonce de Larmandie (1851-1921).
[16] Émile Bernard (1868-1941).
[17] On consultera : XII lettres de Charles Filiger à Jules Bois, revue Maintenant, cahier 6, 1947. Au sujet de l’influence que Jules Bois aurait pu exercer sur l’œuvre d’un peintre comme Filiger, nous nous permettrons une brève remarque.
Aux environs de 1903, Filiger exécuta une série particulière de dessins, colorés à l’aquarelle, qu’il intitula « Notations chromatiques ». Ces dessins s’apparentent à des mandalas dont ils semblent exaler la force magique. On rapporte qu’André Breton disposait des œuvres de Filiger autour de son lit pour en recevoir la protection bénéfique. L’interprétation clinique conclut à une expression artistique schizophrénique, mais une autre interprétaion mériterait l’attention. Filiger aurait peut-être donné, à travers les « Notations », une application personnelle des « Tattwas », ces cartes utilisées par les adeptes de la « Golden Dawn » pour se relier à la lumière astrale et communiquer avec certaines entités. En composant ses « Notations Chromatiques », l’artiste cherchait-il à correspondre avec cet être qu’il représente systématiquement au centre de chacune de ses compositions ? À la même époque où Filiger exécuta ses dessins, Jules Bois appartenait depuis quelques années déjà au Temple Ahathoor, fondé à Paris par S. L. Mathers.
[18] Gil Blas des 9, 11 et 13 janvier 1893.
[19] Dans Là-bas, Boullan apparaît sous les traits du docteur Johannès.
[20] Cf. Huysmans, « Lettres à Bois », B. N. Arsenal, Lambert 67.
[21] Charles Buet (1846-1897), écrivain et journaliste catholique. Il apparaît dans Là-bas sous les traits de Chantelouve.
[22] La Plume, su 15 juin 1895.
[23] Ed. Chailley, Paris 1894.
[24] Ed. Ollendoff, Paris 1902.
[25] Au sujet de la conversion de Jules Bois au catholicisme : cf. Lucien Descaves, « deux lettres aux Leclaire » (10 et 17 juin 1901) et une « lettre à Bois » (11 juin 1901). Arsenal : Lambert. Voir aussi l’ouvrage de Descaves, Deux amis : J. K. Huysmans et l’abbé Mugnier, Plon, 1946.
[26] Jeune actrice américaine chez laquelle Emma Cavé fit la rencontre de Vivekananda, en 1899, à New-York.
[27] Charles Loyson (1827-1912). Longtemps connu sous le nom de « Père Jacinthe ». Prêtre catholique excommunié en 1869. Il appartint à l’Église libérale (1973-74) puis devint recteur de l’Église catholique gallicane (1879). Il fit de nombreuses conférences à Paris et à l’étranger. À l’automne 1883, accompagné de l’abbé Rocca, il entreprit un voyage de six mois en Amérique. Il participa au Congrès international du Christianisme libéral et du progrès religieux qui se tint à Berlin (du 5 au 8 octobre 1910).
[28] Cf. Jean Contrucci, Emma Calvé, la Diva du siècle, éd. Albin Michel, Pars, 1989.
[29] Librairie des Annales, Paris, 1912.
[30] Ed. L. Chailley, Paris, 1896.
[31] Ed. P. Ollendorff, Paris, 1897.
[32] Ed. P. Ollendorff, Paris, 1894.
[33] Dans Le Couple futur, Jules Bois annonçait un projet d’ouvrage, La Citoyenne, consacré au « Nietzschéisme féminin ».
[34] On décèle dans L’Ève nouvelle l’influence du christianisme bouddhiste, celtisant et égyptisant d’Anna Kingsford. Il est d’ailleurs amusant de relever, dans la rubrique « à paraître », un ouvrage (jamais publié) intitulé : Le Commerce amoureux des Sages avec les Dames et les Demoiselles des Éléments.
[35] Ce rejet de l’hébraïsme au nom du féminisme pourrait ouvrir la voie à une forme d’antisémitisme : Bois cite avec sympathie Drumont et Rochefort qui s’affirmaient alors résolument féministes.
[36] Dans une note (p. 83) Bois invite le lecteur à lire l’auteur de Das Mutterrecht. Cette note n’est pas anodine quand on sait le mépris absolu dans lequel a toujours était tenue l’œuvre de Baschoffen en France (à ce jour une seule édition de textes choisis, parue en 1936.)
[37] Bois envisage cinq périodes à l’évolution humaine : a) l’état de promiscuité ; b) le matriarcat ; c) l’amazonisme ; d) le patriarcat ; e) la civilisation du couple. Cf. Le Couple futur, pp. 82-86.
[38] Cf. Postface de Jules Bois au livre de Noël Vesper.
[39] L’Humanité divine, éd. Fasquelle, 1910.
[40] Le Miracle moderne, éd. Ollendorff, Paris, 1907.
[41] Noël Vesper, Anticipation à une morale du risque : essai sur la malléabilité du monde, Paris, 1914.
[42] Annuaire des Contemporains Français et Étrangers 1909-1910, éd. Librairie Delagrave, Paris, 1910.
[43] « Un fidèle missionnaire de la France », Revue Mondiale (1 juin 1927).
[44] « Le surconscient et l’Afflatus », La Nouvelle Revue (15 novembre 1927) ; « Les Dangers individuels et sociaux du Freudisme », La Nouvelle Revue (15 février 1928).
[45] Inachevé, parce que cet ouvrage intitulé La Philosophie de l’Espérance qui aurait dû couronner, avec Le Monde invisible et Le Miracle moderne, le triptyque des études métapsychiques, ne verra le jour que sous la forme d’une article paru dans La Revue Mondiale (1 mai 1927).
[46] Charles Richet (1850-1935) fut président de cette société en 1905 (ainsi d’ailleurs qu’Henri Bergson quelques années plus tard.) Jules Bois et Charles Richet étaient grands amis, l’un et l’autre appartinrent à la « Fraternité de l’Étoile » fondée par Albert Jounet.
[47] Le Dr Bérillon (1859-1950), directeur de l’École de Psychologie et de la Revue de Psychologie appliquée, fut le secrétaire général des deux premiers congrès mondiaux de l’hypnotisme (1889 et 1900).
[48] Revue des Causes Célèbres : « l’Affaire Bolo », Paris, 1918.
[49] Pierre Miguel, La Grande Guerre, éd. Fayard, 1983, pp. 463-464.
[50] Comoedia, 14 septembre 1923, « Qu’est devenu Jules Bois ? » (article cité par René Guénon in Le Théosophisme.)
[51] Après la Première Guerre mondiale un renouveau certain de l’hypnose se manifesta aux États-Unis, le traitement hypnotique s’étant révélé efficace chez les anciens combattants. Dès 1920 Hadfield pratiquait l’« hypno-analyse ». Dans quelle mesure Jules Bois contribua-t-il à ce renouveau ?
[52] Essay on Democracy, Ed. O’ Donnel, Chicago, 1924.
[53] Cf. op. cit., note 41.
[54] On notera une lettre de mise au point de Jules Bois, parue dans la revue de Jean Bricaud Les Annales initiatiques de juillet-septembre 1933, où il nie avoir fait partie de la Golden Dawn.
[55] « Nomenclature des Journaux et Revues en Langue Française du Monde entier », publiée par L’Argus de la Presse.
[56] Ayant relevé dans l’ouvrage à succès de Gérard et Sophie de Sède L’Occultisme dans la Politique, Laffont 1994, la phrase suivante : « Jules Bois, mort en 1943, finit ses jours dans la peau d’un collaborateur des nazis » (p. 169), j’écrivis aux auteurs pour qu’ils me citent leur source. Ils me répondirent en me renvoyant à l’article « Bois, Jules » des Explorations bio-bibliographiques de Marie-France Jammes (Nouvelles Éditions Latines, 1981) où l’on relève, en effet, le passage suivant : « Compromis au début de la guerre dans des opérations de propagande allemande, il se réfugie à Londres (sic) où il serait mort en 1943, victime de la guerre. » Contactée à son tour, Mme James se montra fort surprise d’apprendre que Jules Bois fût mort à New-York. Quand au passage suscité, elle m’avoua ne pas se souvenir de sa source d’information...
[57] Il ne semble pas que les excellents travaux biographiques de Dominique Dubois aient apporté des éléments nouveaux en ce domaine.
(Cet article est paru pour la première fois dans le n° double 10 &11 de la revue L’Esprit des Choses, année 1995, pp. 157-175.)
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