Le Soleil de Gaza (mercredi, 14 février 2024)
Les femmes et les enfants d’abord !
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Mehdi Belhaj Kacem
À l’heure où j’écris, a lieu le premier génocide en direct de tous les temps. Oh, certes, ce n’est pas en consultant vos chers médias français (et généralement occidentaux) que vous vous en aviserez. Mais tout ce qui n’est pas l’Occident y assiste. Je parle évidemment du génocide des gazaouis perpétré, pour l’instant en toute impunité, par l’État israélien et le gouvernement Nethanyahou qui le dirige. Il y a ce jour plus de 20.000 civils assassinés et plus de 50.000 blessés graves, pour la plupart des femmes et des enfants (“les femmes et les enfants d’abord !” Mais à l’envers, comme toujours avec les sionistes). La destruction totale de toutes les infrastructures, le ciblage délibéré des hôpitaux, des écoles, des mosquées, de Églises, le sevrage des réseaux d’approvisionnement en nourriture, eau, électricité, médicaments, fait que la famine et l’amoncellement des cadavres putrescents ramènent un peu partout le choléra, la tuberculose, l’hépatite, le paludisme et que sait-on encore. Les soldats de Tsahal font défiler des prisonniers palestiniens à poil et à genoux, un général de “l’armée la plus morale du monde” twitte que, s’il ne tenait qu’à lui, ces gens seraient enterrés vivants, car ce sont des “sous-hommes”. Et d’ailleurs des soldats de Tsahal n’hésitent pas à enterrer des Palestiniens vivants, ou à se vanter de tuer des enfants, regrettant seulement que ce ne fussent pas des bébés (pour parler un peu à la “Surya”1). D’autres soldats pissent sur les cadavres des Palestiniens juste après les avoir abattus. Un des rappeurs les plus célèbres d’Israël produit une “chanson” où il dit que le meurtre d’un bébé gazaouï est une excellente chose, et beaucoup de citoyens israéliens pensent pareil. Le ministre de la Défense israélien dit que tous les gazaouis, sans une seule exception, sont des “animaux humains”. D’autres parlent de vermine, de fourmis, de cancrelats. Un colloque canadien sur l’antisémitisme, qui a eu le malheur (ou plutôt le mal-heur) de débuter aux alentours du 7 octobre 2023 (autre événement, comme on l’aura compris), produit un dessin caricaturant les Palestiniens en “cafards”. Ça ne vous remet pas quelque part ? Moi, si.
Pour marquer le coup, je traduis, de mes petites mains et les larmes aux yeux, le poème du plus grand poète palestinien depuis Mahmoud Darwich. Le poème s’intitule, très sobrement (au sens le plus précis que prêtait Lacoue-Labarthe à l’adverbe) : Si je meurs.
Si je dois mourir,
tu dois vivre.
Pour raconter mon histoire.
Pour vendre mes affaires.
Pour acheter un bout de vêtement,
et quelques rubans (fais-les blanches, avec une longue queue)
pour qu’un gamin,
quelque part à Gaza
pendant qu’il regarde
le paradis dans les yeux
attende son père
partir en un souffle.
Et ne souhaite aucun Adieu
pas même à sa chair
pas même à lui-même.
Regarde le cerf-volant,
le cerf-volant que tu m’as fait,
voler dans les airs ;
et pense, un instant, qu’un ange est là.
Te ramenant de l’amour.
Si je dois mourir
autant que cette mort te donne de l’espoir.
Laisse cette mort être un conte.
Voilà. Toute ressemblance avec un certain Paul Celan (immense poète juif survivant de la Shoah, pour ceux qui l’ignoreraient), dans son poème Fugue de mort par exemple (“alors vous vous montez en fumée dans les airs/alors vous avez une tombe au creux des nuages/on n’y est pas couchés à l’étroit”) serait tout sauf fortuite.
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1. Michel Surya, directeur de la revue Lignes et, surtout, champion incontesté, depuis 40 ans, de la radicalité en pantoufles. (N.d.A)