Le tiqqun de la paix
Paix et réparation pour les Palestiniens
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Gabriel Hagaï
En tant que juif croyant et pratiquant, afin de ne pas donner de légitimité à l’entité politique israélienne, je préfèrerai plutôt parler de « Terre Sainte » – dont le sens plus large permet de transcender les frontières politiques et d’englober toute la Palestine et la Jordanie. C’est également ainsi que cette région est nommée dans notre littérature religieuse. Ce terme a l’intérêt, par rapport à d’autres dénominations modernes, parfois plus précises – comme “Palestine historique” – de ne pas prêter à confusion, en laissant penser que je puisse pencher davantage pour une partie plutôt que l’autre.
Car je ne suis pas pour un camp contre l’autre, mais pour les deux, ensemble. Une paix authentique en Terre Sainte ne sera possible que fondée sur la justice pour tous les protagonistes, et non sur la simple absence de violence ou sur le remplacement d’une injustice par une autre. La paix ne se fera pas au détriment des Israéliens et au bénéfice des Palestiniens, ou réciproquement, mais au bénéfice des deux, ensemble.
Il faudra bien, tôt ou tard, cesser les hostilités meurtrières en Terre Sainte, et tenter de bâtir une paix durable en concevant un moyen juste de vivre ensemble pour lentement se réconcilier, comme l’ont fait les Sud-Africains, Noirs et Blancs, après des décennies d’apartheid.
Mais pour que cette paix véritable existe, il est nécessaire d’envisager sérieusement de la part du Gouvernement israélien des indemnisations financières pour les Palestiniens, une fois acquise la refonte totale de l’organisation politique en Israël-Palestine par la création d’un nouvel état inclusif où tous vivraient ensemble avec les mêmes droits, à égalité en tant que citoyens, hébréophones et arabophones (ce qui constitue la seule solution politique viable possible, à mon avis).
Ce ne serait que justice si l’État d’Israël dédommageait les Palestiniens pour toutes les exactions qu’il a commises envers eux durant tant d'années, comme le Gouvernement allemand a dû faire pour les crimes commis par les Nazis (réparation dont Israël a grandement profité d’ailleurs).
Les dédommagements financiers concerneraient tous les meurtres, les expropriations, mutilations, emprisonnements, destructions, etc., perpétrés depuis la création de l’État sioniste envers les Palestiniens. Si l’on juge normal que les juifs aient reçu des réparations financières de l’État allemand, pourquoi serait-il anormal d’envisager la même chose en faveur des Palestiniens ? N’ont-ils pas été les victimes d’une volonté consciente d’annihilation de la part du gouvernement israélien depuis 1948 ? Que l’État d’Israël verse une pension aux familles palestiniennes dont un membre a été assassiné, ainsi qu’aux Palestiniens qui ont été mutilés par ses snipers. Qu’il dédommage ceux qui ont été exilés de force, ceux qui ont été emprisonnés injustement, ceux qui ont été torturés, ceux dont les maisons ont été volées ou détruites, ceux dont les champs ont été ravagés, les arbres déracinés ou les troupeaux abattus, ceux qui ont perdu leurs moyens de subsistance ou été abusivement licenciés, sans oublier bien sûr les souffrances indescriptibles subies à Gaza.
Je ne suis pas dupe ; il est certain que l’idéologie sioniste qui a légitimé les exactions systémiques envers les Palestiniens ne s’arrêtera pas à un crime supplémentaire, ne fera rien pour la paix, ni n’envisagera de lâcher un seul kopeck d’indemnisation. Mais ce n’est pas ma vision du judaïsme. Notre Torah ne cautionne ni la vengeance aveugle, ni le meurtre des enfants, ni le massacre des populations civiles, ni l’injustice.
Le concept de tiqqûn (réparation, rectification) est fondamental dans notre tradition religieuse. Cela participe de la justice et du bon sens que le destructeur doive supporter le coût de la reconstruction. À l’État d’Israël de financer la reconstruction de Gaza et de la Palestine. À l'État d'Israël d’indemniser aussi les Palestiniens pour les exactions qu’il a commises envers eux. La somme est colossale et le joug financier considérable, mais ce sera là le seul moyen pour les Israéliens de retrouver leur humanité perdue.
Le mot tiqqûn vient de la racine tri-consonantique t-q-n dont le champ sémantique est en hébreu « réparer, arranger, rectifier ». Dans la mystique juive, tout rituel, par extension, est un tiqqûn. Notre rôle ici-bas est de lethaqqén, de réparer le monde et de l’améliorer. Selon un sens plus restreint du mot, tiqqûn signifie un rituel ésotérique spécifique. Ainsi, prier avec la bonne kawwânâ (intention) est un tiqqûn, car cela permet d’améliorer le monde.
À priori, nous ne devrions pas être dans le tiqqûn ; nous devrions être dans la co-création, dans la co-berî’â ou la co-yeṣîrâ, qui consiste à arroser les pousses spirituelles que Dieu a plantées dans ce monde pour les faire fructifier. Nous devrions être des jardiniers de lumière. Mais comme la majorité de l’humanité est dans le ṭâˁûth (l’erreur), elle arrache ces pousses de lumière (meqaṣṣèṣeth ban neṭîˁôth) avant qu’elles ne fructifient. Par conséquent, l’acte de cocréation se voit réduit à l’action de rectifier, en replantant les pousses arrachées.
Si le sens le plus réduit de tiqqûn est celui de rituel, son sens le plus large désigne notre rôle cosmique, notre influence spirituelle sur ce monde. C’est le tiqqûnˁÔlâm. Tous les actes de nos saints ancêtres depuis l’Antiquité montrent qu’ils se situent dans le tiqqûn, dans la rectification du monde, dans l’élévation de la conscience humaine, de manière à provoquer le paradigme messianique annoncé par nos Prophètes.
Bien sûr, tout ceci n’exonère pas les terroristes palestiniens des crimes qu’ils ont commis envers des civils, israéliens ou juifs. Comprenez bien que cela vaut de la même manière pour les criminels de guerre israéliens qui devront répondre un jour ou l’autre de leurs exactions devant la justice, humaine ou divine. Aucune cause, fût-elle même la plus juste au monde, ne peut légitimer des atrocités inhumaines. La fin ne justifie pas les moyens. Tous les êtres humains ont été créés à l’image de Dieu, selon Sa ressemblance. Ainsi, chaque vie est également sacrée. Nos Sages enseignent (Sanhédhrîn IV:5) : « Adam a été créé unique, pour enseigner que quiconque fait périr une personne, c’est comme s’il avait fait périr tout un monde, et que quiconque fait vivre une personne, c’est comme s’il avait fait vivre tout un monde. »
Selon notre Torah chacun est responsable de ses crimes (Deut. XXIV:16) : « On ne fera point mourir les pères pour les fils, et l’on ne fera point mourir les fils pour les pères ; on fera mourir chacun pour son péché. » Principe répété dans ce verset (Ézéchiel XVIII:20) : « L’âme qui pèche, c’est celle qui mourra. Le fils ne portera pas l’iniquité de son père, et le père ne portera pas l’iniquité de son fils. La justice du juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui. » Ainsi (Genèse IX:6) : « Qui aura versé le sang de l’Homme, par l’Homme son sang sera versé. »
L’influence grandissante des idées allogènes au judaïsme, véhiculées par la propagande israélienne, se fait de plus en plus sentir au sein de notre orthodoxie. L’identité juive passe inconsciemment chez la plupart de nos coreligionnaires par une assimilation à l’État d’Israël. Les derniers observants d’un judaïsme authentique sont-ils voués à disparaître sous la pression de cet « israélisme » ?
On le voit déjà à la manière dont la prononciation de l’hébreu liturgique est massacrée dans nos synagogues. Si quelqu’un lit cette langue en concordance avec son origine sémitique (selon les traditions conservées au Maghreb, au Proche-Orient ou au Yémen), le voici accusé d’avoir « l’accent arabe ». Et je n’évoque même pas les autres attributs : l’accoutrement bizarre, les coutumes sans queue ni tête, les rigueurs additionnelles (ḥumrôth) ridicules instaurées en obligations, les nouvelles fêtes laïco-religieuses sionistes (comme Yôm hâ-ˁAṣmâ’ûth [Jour de l’Indépendance]), etc. !
Il faut bien comprendre qu’il n’existe pas plus de lien entre le sionisme (l’État d’Israël) et la Torah qu’entre le Ku Klux Klan et le christianisme ou qu’entre la Mafia albanaise et l’islam. Dans chacun de ces cas, les méthodes criminelles employées par des organisations terroristes ne peuvent se confondre avec la religion pratiquée par leurs membres. Pour cette raison, il est irrecevable d’affirmer que l’État israélien représenterait la totalité des juifs, et encore moins le judaïsme.
Nos anciens rabbins non-européens (essentiellement d’origine yéménite, marocaine, égyptienne, turque, iranienne, syrienne ou irakienne) disparaissent et sont remplacés par des marionnettes du rabbinat israélien. Notre judaïsme traditionnel – transmis rigoureusement de maître à disciple depuis des dizaines de siècles – devient une source de moquerie (ou de honte) de la part de la jeune génération israélisée. Cette dernière n’est d’ailleurs même pas capable de déchiffrer un acte de mariage manuscrit (une ketubbâ) du siècle précédent !
Où s’est évanoui notre judaïsme ancestral et ses belles caractéristiques ? Où est passé l’amour de la vérité et de l’authenticité ? Où a disparu l’appétence pour la science, la sagesse et la connaissance ? Où s’est enfuie la maîtrise de la langue hébraïque, de sa poésie et de sa grammaire ? Qui possède encore la maîtrise virtuose de l’immense corpus de notre littérature rabbinique qui fut celle des anciens ? Où s’est cachée la diversité de nos traditions qui nous enrichissait tant ? Où s’est retiré l’amour gratuit de notre Créateur, de Ses créatures et de Sa création ? Qu’est devenu l’esprit critique ? Le discernement ?
Du fait de ma culture, j’ai toujours prononcé très naturellement l’hébreu de manière « sémitique ». Bien maîtriser l’hébreu est pour moi capital, car il s’agit de la base sur laquelle toute la structure de notre religion est bâtie. Si les fondations sont branlantes, quelle sera la qualité du bâtiment ? J’ai eu la chance de pouvoir étudier la grammaire hébraïque à Jérusalem auprès de l’un de ses plus grands spécialistes, ribbî Benṣiyyôn hak-Kôhén (1942-1999), un érudit de l’école des grammairiens de Djerba, dont fait aussi partie ribbî Méïr Mazouz, directeur de la yeshîvâ Kissé Raḥamim, Bnei Brak. Il est l’auteur du Sefath Èmèth, ouvrage encyclopédique qui compile tout ce qui a été écrit par nos rabbins sur la prononciation correcte de l’hébreu liturgique. Mon amour pour la belle langue, le bel hébreu de nos poètes classiques de l’âge d’or andalou, m’a ainsi amené à composer des poèmes et des cantiques. J’y ai été encouragé par un cher ami, poète hébreu également, Amos Ben-Zaken, auquel je ne serai jamais assez reconnaissant d’avoir rallumé ma flamme poétique à la sienne.
En contre point, il faut souligner que la prononciation de l’hébreu à l’israélienne dans la liturgie est un vrai bilbûl (égarement, confusion, maladresse, désordre) selon la Qabbâlâ. En effet, cette énonciation confond les consonnes (les lettres) et leur articulation (gutturale, palatale, dentale, etc.), alors que celle-ci est capitale pour la mystique (cf. Séfer Yeṣîrâ II, 1 ; et les commentateurs ad loc.). Lors de la liturgie, la prière et l’étude de la Torah, chaque lettre monte et passe par la porte spécifique de son articulation pour agir sur les mondes spirituels. À l’image de l’encens (qeṭoreth) offert par les kôhanîm (prêtres) au Temple de Jérusalem dont la fumée monte vers les Cieux (cf. Exode XXX, 34 ; Nombres XVII). Mes maîtres étaient très maqpîdhîm (rigoureux, attentifs) sur ce sujet.
Si elles sont mal prononcées, les consonnes n’interviennent pas là où elles devraient, car elles sont passées par la mauvaise porte, comme un encens « étranger » (qeṭoreth zârâ) dont la fumée est désagréable à Dieu (cf. Lévitique X ; Nombres XVI).
Par exemple, dans la prononciation israélienne, la gutturale ḥ (ḥêth) devient la palatale kh (kaf refûyâ), la roulée r (rêsh) devient la palatale gh (gîmel refûyâ), le w (wâw) devient un v (bêth refûyâ), le ˁ (ˁayin) un ’ (âlef), le q (qôf) un k (kaf), le ṭ (ṭêth) un t (tâw), et le ṣ (ṣâdhé) se transforme bizarrement en deux consommes collées ts (t tâw et s sâmekh), etc. Des centaines de mots se mettent à ressembler à d’autres, et parfois à même signifier le contraire. Bref, un vrai massacre ! La majorité des Israéliens pourraient parfaitement prononcer ces phonèmes sémitiques, à leurs oreilles cela sonnerait trop “arabe”. Ce bilbûl phonétique constitue un ˁiqqûv (retardement, temporisation) supplémentaire à la venue de notre Mâshîaḥ.
On est là face à un véritable qiṣṣûṣ ban-neṭîˁôth (« arrachage des pousses/germes », cf. T. Ḥaghîghâ 14b ; cette image qabbalistique est utilisée pour désigner un acte spirituellement malhabile, qui au lieu de participer à la co-création lumineuse de ce monde, entraîne plutôt son assombrissement) qui a malheureusement l’air d’aller en s’aggravant.
Un autre ˁiqqûv du Mâshîaḥ est personnifié par le ḥâsîdh shôṭè, le « pieux idiot » (M. Sôṭâ III, 4 ; la Gemârâ et ses commentaires ad loc.), qui est pointilleux sur des détails halakhiques (ḥumrôth) sans importance, mais qui fait l’impasse sur des choses fondamentales. L’exemple archétypal donné par nos Sages est cet homme pieux qui refuse de sauver une femme de la noyade devant lui parce qu’elle est nue. Il s’abstiendrait de sauver une vie humaine, l’acte le plus grand qu’on puisse effectuer ici-bas, pour éviter de transgresser une simple interdiction rabbinique qui n’a aucun sens en elle-même. Les illustrations récentes de cet état d’esprit ne manquent pas. Ainsi, dans l’affaire des Femmes du mur des lamentations (Neshôth hak-Kothel), des ultra-orthodoxes empêchent des femmes juives d’y prier, sous prétexte qu’elles portent ṭalléth et tefillîm et qu’elles lisent liturgiquement dans un Séfer Tôrâ (rouleau de la Torah), ce qui devrait rester l’apanage exclusif des hommes, selon eux. Le ḥâsîdh shôṭè dans toute sa splendeur !
Un principe fondamental de la Torah consiste à dire que, tant qu’une chose n’y a pas été interdite, elle est permise, contrairement à ce que pensent nos ultra-orthodoxes rigoristes. Par exemple, pour ce qui est des lois alimentaires, tout ce qui provient des plantes est cachère : les fruits, les feuilles, les fleurs, les racines, etc. (les restrictions sur ce plan ne concernent que les fruits provenant de Terre Sainte où certaines règles s’appliquent). Mais ce principe s’étend aussi, bien entendu, à tous les pans de l’existence. Ainsi, il n’est interdit nulle part qu’une femme puisse prier revêtue d’un ṭalléth et portant des tefillîm, ou lise liturgiquement le Séfer Tôrâ à la synagogue, d’autant que de nombreux témoignages historiques montrent que certaines l’ont fait par le passé.
Face à l’israélisme, à son allogénéité et à sa tartuferie, je me sens de plus en plus comme le dernier des Mohicans, détenteur d’une science ancestrale mais en voie de disparition. La fréquentation de la majorité des synagogues – mais surtout le fait d’y entendre des sermons d’une platitude navrante – m’est devenue difficile. Comment contempler ma communauté où l’imitation a pris la place de l’authentique ? J’imagine que je ne suis ni le premier ni le seul à ressentir cette douleur inhérente à l’érudition – comme le dit le verset (Ecclésiaste I:18) : « [...] celui qui augmente sa connaissance augmente sa douleur (weyôsîf daˁath yôsîf makh’ôv). » –, mais cela fait toujours mal.
Ceci dit, j’ai profondément foi en la Providence divine qui ne laissera jamais Sa Torah se pervertir, comme nous l’assure le verset (Josué I:8) : « Ce livre de la Torah ne s’éloignera point de ta bouche (lô yâmûsh séfer hat-Tôrâ haz-zè mip-pîkhâ). » La qualité survivra toujours face à l’égarement de la quantité. Ainsi, grâce à Dieu, il reste encore quelques lignées authentiques du judaïsme (de toutes origines) disséminées çà et là, résistant à l’influence appauvrissante de l’israélisme, confirmant ce qu’a dit le Roi Salomon (Ecclésiaste IV:12) : « la corde triplée (i.e. à trois fils) ne se rompt pas facilement (weha-ḥûṭ ha-meshullâsh lô vimhérâ yinnâthéq). »
Nous vivons les signes déjà annoncés depuis plus de deux mille ans auparavant (cf. Mishnâ Sôṭâ IX:15, T. Sôṭâ 49b, T. Sanhédhrîn 97a) appelés « les talons du Messie (ˁiqvôth ham-Mâshîaḥ) ». Nos ancêtres disent à ce propos : « Sur qui nous reste-t-il à nous appuyer (i.e. sur qui seul pouvons-nous compter) ? Sur notre Créateur (litt. “sur notre Père qui est au Ciel” – ˁal Âvînu sheb-bash-Shâmayim). »
Comme nombre de rabbins ainsi que de juifs honnêtes de par le monde, je dénoncerai toujours cette escroquerie, la plus grande du XXe siècle selon moi, qu’est le sionisme politique, ainsi que la pollution idéologique qu’il a introduite dans notre judaïsme. Bien sûr – je ne suis pas dupe – l’antisionisme est aussi utilisé par ceux qui veulent purifier la Terre Sainte de toute présence juive (par un massacre pur et simple de la population israélienne, et par une destruction totale de tout ce qui a déjà été construit) – mais ce n’est évidemment pas mon cas, ni le cas de mes amis palestiniens, ni celui de l’écrasante majorité des gens sains d’esprit. Je suis d’ailleurs avant tout un partisan de la non-violence, un adepte de la paix et de la justice.
Ce n’est pas parce que des antisémites se cachent parfois derrière l’antisionisme que ce dernier est de l’antisémitisme ; pas plus que parce que des islamophobes se cachent derrière la laïcité que celle- ci serait de l’islamophobie. Affirmer le contraire serait un sophisme.
Nulle volonté dans mon antisionisme de nier le droit à quiconque, juifs ou non-juifs, de vivre en Terre Sainte, le centre même de notre géographie sacrée. C’est justement par amour pour mes sœurs et frères israéliens que je dénonce les exactions humanitaires commises en leur nom par leur gouvernement. Il faut choisir le bon côté de l'Histoire, celui du côté de l'être humain et de la justice.
Mon espoir résiderait plutôt dans la création d’un nouvel État inclusif où tous vivraient avec les mêmes droits, à égalité en tant que citoyens, hébréophones et arabophones ensemble. Bref, la disparition du sionisme lui-même, ce cancer du Moyen-Orient. Comme le dit mon ami palestinien et activiste de paix hiérosolymitain, sheikh Ibrahim Abu El-Hawa : « Les clés de la paix mondiale se trouvent à Jérusalem. ».
Surtout que la Rédemption finale tant annoncée par nos Prophètes ne se fera que basée sur l’Amour inconditionnel (Ahavath-ḥinnâm), et pas sur autre chose. Seul l’établissement d’une société humaine globale fondée sur la justice, la bonté et la compassion hâtera la Rédemption messianique tant espérée. N’oublions pas que Dieu est notre origine et celle de nos épreuves ici-bas, ainsi que notre finalité (Isaïe XLV:22) : « Tournez-vous vers Moi, et vous serez sauvés, vous tous qui êtes aux extrémités de la terre. » Que s’accomplisse en nous ici-bas le verset (Psaumes CXXXIII:1) : « Qu’il est bon et qu’il est agréable le séjour des frères [et des sœurs] ensemble (hinné maṭ-ṭôv wuman-nâˁîm shèveth aḥîm gam yâḥadh). »
Présentation de l’auteur
Né en 1967, Gabriel Hagaï est un rabbin orthodoxe séfarade franco-israélien, conférencier, linguiste, philologue, paléographe-codicologue, herboriste, médiateur, poète, calligraphe et chanteur. Formé à Jérusalem (1985-1999) et à Boston (1999-2003), il a été enseignant-chercheur et chargé de cours dans diverses universités et instituts supérieurs parisiens (2007-2020). Gabriel Hagaï gère désormais une herboristerie dans le 20ème arrondissement de Paris (L’Herbier du Mesnil). Très investi dans le dialogue interreligieux, il est membre actif et conseiller de plusieurs associations françaises et internationales promouvant la paix, et le lauréat 2019 de la “Médaille d’Honneur Samaritaine pour des Réalisations Humanitaires”. Père et grand-père, il est aussi maître-initiateur dans une tradition mystique non-dualiste du judaïsme remontant jusqu’à Moïse. Gabriel Hagaï est co-auteur des ouvrages : Rites – Fêtes et Célébrations de l’Humanité (dir. Thierry-Marie Courau et Henri de La Hougue), Bayard, 2012 ; L’Aventure de la Calligraphie (dir. Colette Poggi), Bayard, 2014 ; Espérer l’Inespéré – 15 Témoins pour Retrouver la Confiance (dir. Gersende de Villeneuve), Saint-Léger Éditions, 2016 ; La Laïcité aux Éclats (avec Ghaleb Bencheikh, Emmanuel Pisani et Catherine Kintzler – dir. Sabine Le Blanc), Les Unpertinents, 2018 ; Il Padre Nostro e i Rotoli di Qumran nel Lavoro Scientifico di Jean Carmignac (avec Roberta Collu et Hervé-Élie Bokobza), LEF, Florence, 2019 ; et Itinéraire d’une Initiation, Vues de l’Esprit, janvier 2025 (à paraître).