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Naissance schopenhauerienne

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Tu viens d’être mis au monde. Tu es l’autre que j’étais. Pourquoi a-t-il fallu que mon âme échouât dans ton petit corps ? Cela s’est fait par précipitation temporelle, par empressement du temps. Maintenant le chant de anges t’est devenu presqu’inaudible, tu n’entends plus que le bavardage des humains, tu ne vois plus que leurs faces hilares qui se penchent sur toi. Tu sais déjà que le monde est très laid. Parmi ces masques il y a ta mère, ta sœur, ta grand-mère, que tu appelleras « Mémé » (troublante et incestueuse Mêmeté) ; mais nul masque du père, il n’y a que des regards femelles qui se posent sur toi, venus du passé le plus reculé de la chair.

Tout est plié à la naissance. Tu es cette feuille froissée jetée dans la poubelle du monde. Son défroissement est l’angoisse qui t’étreint. Naître t’a plongé dans une solitude pire qu’une mort. Enterré dans la chair, tu sens poindre  le vouloir-vivre qui t’enchaîne. De quoi, nouveau-né, es-tu déclaré coupable, alors que tu n’as jamais joui ? De ceci : dès que l’âme s’est insinuée dans ton corps, tu as nécessairement joui car la jouissance est la nécessité du vouloir-vivre. Ton premier souffle a scellé ton assujettissement à la loi. Respirer est l’expérience originelle du politique : l’intelligence du dressage à la soumission est dans l’air. Tu viens d’entrer dans le ventre de l’épouvante.